Un designer est à la fois artiste et ingénieur. La liaison qu'il établit entre utile et agréable est une science à part entière.
Sur le marché du design graphique, on trouve beaucoup de "faux designers". N'importe qui peut télécharger un logiciel de création et s'autoproclamer "designer", pourtant le design graphique est une réelle expertise qui nécessite une formation, de l'expérience, une culture graphique et des compétences techniques. Les faux designers profitent de l'aspect subjectif du design pour tromper leurs clients, ils font des choix arbitraires et réalisent des créations graphiques pleines d'erreurs sans même en avoir conscience.
Bien que le design graphique puisse se rapprocher de l'art, il y a une distinction à faire : le design lui répond à un besoin. Un logo n'est pas là uniquement pour "faire joli", un logo a une mission à remplir. Comme n'importe quel objet, un logo sera plus ou moins apprécié suivant ses qualités et ses défauts. Celles-ci ne seront pas toujours perçues de façon consciente, parfois on ne sait pas pourquoi un logo nous plaît ou ne nous plaît pas. Un "vrai designer" est capable de comprendre comment cela fonctionne dans l'inconscient et d'expliquer pourquoi un logo nous plaît ou non. Il se repère grâce à un ensemble de critères objectifs qui définissent la qualité d'un logo ou d'une création graphique.
Le pire pour un logo serait d'être complètement hors sujet. Si on travaille sur un logo pour un coiffeur, on ne peut pas dessiner une tomate et l'accompagner du mot "agriculteur". En termes de sémiologie (étude des signes), les symboles ont un sens et suggèrent des interprétations lors de leur perception. Au-delà des interprétations conscientes (une pomme est une pomme), certains symboles évoquent des idées de façon indirecte. Par exemple, une rose peut suggérer l'amour. Avant de créer un logo, il est important de mettre au clair les notions importantes du projet pour ensuite voir comment les retranscrire visuellement. Ce travail peut être réalisé facilement en suivant la méthode Mind-Logo-Map (article à venir).
La première étape quand on évalue un logo est l'interprétation du visuel : qu'est-ce qui est représenté ? Qu'est-ce que cela m'évoque ou m'inspire ? Suivant la ou les interprétation(s) possibles et leur pertinence, le logo pourra être classé comme "hors sujet", "source de malentendus", "juste" ou "en plein dans le mille".
À la manière d'un outil, un logo doit être utilisable et pratique. Les logos existent pour répondre à différents besoins (identification, différenciation, communication...), l'ergonomie désigne la pertinence avec laquelle ils répondent à ces besoins. Elle est un critère d'évaluation essentielle puisque c'est elle qui déterminera le niveau de satisfaction ou de frustration généré par le logo.
Tout d'abord, l'ergonomie d'un logo peut être estimée par rapport à sa cible. Une bonne compréhension de celle-ci est impérative pour créer un logo adapté. Un logo inadéquat sera source de malentendus, d'incompréhension voire de frustration tandis qu'un logo réalisé sur-mesure pour une cible répondra correctement à ses attentes (par exemple, un nom lisible de très loin pour un opticien). Un logo ergonomique est également pensé par rapport au marché : hors de question de reprendre un visuel déjà utilisé par les 3/4 des concurrents. Un des principaux objectifs d'un logo est de permettre à son propriétaire de se démarquer positivement.
Un logo doit également être ergonomique pour son propriétaire. Il est possible d'évaluer un logo suivant sa polyvalence : un logo ergonomique saura s'adapter à n'importe quel contexte, aura suffisamment de déclinaisons pour apparaître correctement sur tous les formats, restera cohérent malgré les variations de support... On peut également noter qu'un logo intemporel ne sera pas dépendant d'une mode ou tendance, il sera pratique de ne pas avoir à le changer tous les cinq ans. C'est le cas de nombreux logos emblématiques, comme les deux arches dorées de McDonald's ou encore le célèbre symbole de Coca-Cola.
Un logo peut avoir du sens et une bonne ergonomie... sans pour autant être intéressant. Un logo pour une start-up avec une fusée sera par exemple assez cliché, ce n'est probablement pas ce concept qui fera rayonner la personnalité de l'entreprise. S'intégrer au paysage graphique du secteur et se différencier ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Un bon logo sera à la fois vraisemblable et original, à la fois attendu et inattendu. Évaluer un logo, c'est donc aussi séparer les concepts "bateaux" des vraies idées créatives, astucieuses et stimulantes.
Rien n'est mieux qu'un jeu d'esprit simple et amusant pour faciliter la mémorisation.
Peu importe le logiciel utilisé pour la création d'un logo (bien que je préconise Adobe Illustrator sans hésitation), le plus important du point de vue technique est le respect des règles du design graphique. Un visuel harmonieux ne l'est pas par hasard. Le célèbre logo d'Apple par exemple est basé sur le nombre d'or : c'est grâce à ses proportions cohérentes et existantes dans la nature que ce logo apparaît comme parfaitement équilibré. L'application des règles de composition, de hiérarchie de l'information, de cohérence globale ou encore l'utilisation d'une grille de construction sont des critères capitaux pour évaluer la qualité d'un logo. Un logo satisfaisant est souvent le fruit d'un long travail d'affinage sur le plan technique (optimisation de la lisibilité, ajustement des contrastes, équilibrage des pleins/vides...).
Finalement, la dimension subjective d'un logo ne compte que pour un cinquième de sa note. Elle existe toutefois, puisque nous avons aussi une interprétation personnelle liée à notre vécu, nos goûts et nos préférences. C'est aussi là qu'intervient la "patte" du designer, c'est-à-dire le style qu'il saura faire exister d'une certaine façon dans ses créations. Dans certains cas, le style peut être orienté : la création du logo peut être influencée par les préférences du client, ses références graphiques, ses sources d'inspiration... Le designer et le client peuvent se mettre d'accord sur un style grâce à des outils tels que les "moodboards", puis peuvent travailler ensemble cette dimension subjective à l'aide de tests graphiques. Évaluer un logo, c'est donc aussi s'assurer qu'il plaît à son propriétaire.
Un logo détient donc tout de même une part "artistique", il communique aussi avec nous sur le plan émotionnel. Le lieu qu'il nous inspire, les idées qu'il nous évoque, l'énergie qu'il dégage ou encore le ressenti qu'il suggère doivent aussi être pris en compte. L'étape finale pour évaluer un logo peut donc être de le montrer autour de soi et d'observer les réactions, notamment celles de cibles potentielles.
Si vous voulez une mnémotechnique pour vous en souvenir, regardez les initiales de chaque critère et dîtes-vous que vous faites désormais partie de la SECTE des designers.
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