"Pourquoi certaines idées survivent et d'autres meurent ?"
C'est le sous-titre de "Made to stick", un livre des frères Chip et Dan Heath. Dans cet ouvrage, ils cherchent à expliquer ce qui rend une idée ou un concept mémorable. À travers l'acronyme anglais « SUCCESS » (en omettant le dernier s), ils résument les principales caractéristiques qui peuvent aider à rendre une idée ergonomique pour l'esprit. Chaque lettre de l'acronyme est la première lettre d'une caractéristique : Simple, Unexpected, Concrete, Credible, Emotional, Story.
Qu'il s'agisse d'une idée ou d'un logo, les mêmes principes opèrent lorsqu'il s'agit de marquer notre esprit. Certains logos comme le "M" de McDonald's ou la virgule de Nike sont devenus emblématiques tandis que d'autres ont fini aux oubliettes. La différence ? Certains logos sont "collants" tandis que d'autres sont "volatiles". Bien sûr, le nombre de visionnage entre en jeu, la répétition facilite la mémorisation. Mais, si deux logos sont visionnés le même nombre de fois, le logo collant sera beaucoup mieux mémorisé que le logo volatile.
Pour citer Antoine de St-Exupéry : « La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer ». Un logo ne doit pas tout dire, c'est l'erreur la plus courante et la plus dommageable. En effet, il vaut mieux en dire peu mais s'assurer que l'information passe... plutôt que de vouloir trop en dire pour finalement ne rien graver du tout dans les esprits. Si le design contemporain suit une tendance minimaliste, c'est parce que cette tendance a démontré son efficacité : un logo simple, accessible et compréhensible en un coup d'œil sera cent fois plus facile à retenir qu'un logo surchargé.
Un bon logo est vraisemblable, c'est-à-dire qu'il s'intègre correctement dans le paysage et répond globalement aux attentes. Seul bémol : un logo trop "lisse" ne sera pas suffisamment intrigant pour être considéré par le cerveau comme une information à prendre en compte. Les meilleurs logos font preuve d'une certaine originalité, ils savent mettre en avant ce qu'il y a d'unique dans la personnalité des marques qu'ils représentent et marquent les esprits par leur caractère inattendu. Un seul visionnage peut parfois suffire à un logo pour être mémorisé grâce à l'effet de surprise qu'il peut générer.
Lorsqu'il est question de représenter une idée, il y a un juste milieu à trouver entre le figuratif et l'abstrait. Prenons l'exemple d'une pomme : un dessin de pomme qui intègre tous ses détails (sa couleur, sa texture, sa forme, une feuille au-dessus et un petit ver qui sort d'un trou...) serait trop figuratif. Ce surplus d'informations rendrait ce logo très chargé, il serait aussi un peu "lourd" d'avoir tant d'éléments pour si peu d'information. À l'inverse, un dessin trop abstrait (par exemple, une courbe de la feuille de cette pomme uniquement) donnerait un logo trop inaccessible, c'est-à-dire incompréhensible sans recevoir d'explications. Le juste milieu est possible, il faut simplement réfléchir à la phrase suivante : "que représente concrètement ce logo ?". Un enfant de sept ans doit être capable de résumer le concept du logo en une phrase, par exemple : "une pomme croquée".
Un logo mémorable est un logo qui réussit à être accepté de façon quasiment systématique. Un logo dérangeant, maladroit, ambigüe ou déplacé risquerait d'être rejeté mentalement (notamment par les esprits les plus fermés). Pour être pris au sérieux, un logo doit être crédible. La qualité technique, la pertinence du concept ou encore le parti pris graphique entrent en jeu également. La question à se poser est la suivante : "est-ce que ce logo serait acceptable pour n'importe qui ?"
Chaque logo communique à sa façon sur le plan émotionnel. Un logo peut nous faire sourire, nous faire rire, nous procurer un sentiment de bien-être... À l'inverse, il peut aussi susciter un certain malaise, parfois même de façon inconsciente. Dans un cas, la stimulation émotionnelle s'ajoutera à la stimulation intellectuelle (par exemple, un jeu graphique qui prête à sourire aura le même effet qu'une bonne blague en termes de mémorisation). Dans l'autre, le léger malaise ressenti invitera le regard à changer de direction, ou pire, le ressenti négatif sera associé inconsciemment au logo.
Derrière chaque logo, il y a une personne, un projet, une vision. Un logo mémorable, c'est avant tout une histoire mémorable. Plutôt que de se focaliser sur le logo en tant qu'objet, ou pire, de chercher à démontrer ses compétences techniques, gardons en tête qu'un logo n'est qu'un symbole. Un bon logo est un emblème cohérent avec le projet qu'il porte, il signe une histoire et lui permettra d'être mémorisée plus facilement.
Le logo de l'édition 2024 des jeux olympiques est un logo "made to stick". Il représente une forme simple : un cercle dans lequel apparaît concrètement une flamme, symbole de l'olympisme. La bouche est un élément inattendu : elle représente la célèbre Marianne qui évoque la France et son histoire, tandis que les cinq anneaux des JO apportent de la crédibilité au logo. Personnellement, je trouve ce logo excellent. Bien qu'il ait été critiqué, une chose est sûre, il n'est pas près d'être oublié.
À lire également :